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jeudi 27 octobre 2011

Tunisie : Ce qu’ils ont compris

Cet article a pour objet de commenter l'article de Elyes Gheri sur le site Nawaat.tn dont un lien direct a été associé à la présente publication.

Entrons dans le vif su sujet !

[...] Certes, Ennahdha ayant 30% des voix signifie que 70% des électeurs ont voté pour autre chose. Mais le problème, c’est qu’Ennahdha a eu 30% des voix en jouant parfaitement le jeu (nauséabond) de la politique : on hausse ou on fait mine de hausser le ton par là, on rassure par ici. On fait le dos rond dans les médias, pendant que les militants quadrillent méthodquement le terrain. On fait exactement les mêmes conneries que les autres : argent sale, accointances suspectes avec des puissances étrangères, langue de bois, aveuglement criminel aux vagues répressives du pouvoir policier, recrutement douteux d’ex RCD, etc. [...]
 Cet article avait été publié deux jours après le rendez-vous fixé aux urnes du monde entier et surtout de la Tunisie, pour ainsi choisir ceux qui participeront à la rédaction de la nouvelle constitution de la Tunisie. Trente pour-cent sont ainsi annoncés dans cette citation mais nous savons tous aujourd'hui que le résultat final a placé Ennahdha en tête avec une avance écrasante sur son second.

Ce qui est délectable et l'avenir nous le prouvant très certainement, c'est l'incapacité de certains auteurs et autres commentateurs à rester le plus juste possible face à l'évidence, la réalité, sans utiliser des termes qui servent seulement à appuyer leur désaccord, leur incompréhension, leur haine...

Ce que n'a pas compris l'auteur que je cite, c'est qu'Ennahdha a choisi, tout comme ses pairs, la politique moderne pour se présenter au peuple. Chacun de ces partis a fait usage, à sa manière, de choses critiquables et en premier lieu, les accusations gratuites, sans preuves. A la différence qu'Ennahdha est une étape, le peuple tunisien devra évoluer pour une Tunisie meilleure à tout point de vue, même en matière de gouvernance d'un état.

[...] Dans son comportement, Ennahdha est un parti comme les autres. Il a juste plus de succès que les autres. Mais pourquoi ?

Dans un excellent article (1), Néjiba Belkadi nous explique la chose suivante :“[Le pouvoir tunisien] a dû répondre à une problématique essentielle : comment assurer une égalité pour que soit viable socialement l’assise de la monture du pouvoir ? Il a visiblement adopté un modèle égalitaire, de façade, chargé d’expulser le cœur de la Tunisie, comme pour garantir l’égalité de sa périphérie. Un modèle égalitaire entre pauvres et égalitaire entre riches et qui garantit le fossé entre les deux, un fossé chargé de rendre invisible cette inégalité.”

En d’autres termes la société tunisienne s’est construite pendant 50 ans sur la domination d’une frange de la société par une autre (ce qui est la nature de toute organisation sociale). Fracture sociale. Avec toutefois la possibilité de s’élever, notamment par la fonction publique (de Ahmed Mestiri à Ben Ali, mes deux grand-pères…).
Le pouvoir bourguibien a jeté du sel sur la plaie, en superposant à cette fracture sociale une fracture culturelle. Un choix clair avait été fait en faveur d’une “occidentalisation” de la société tunisienne (citadine) sur tous les plans : langue, moeurs (évolution plus lente), musique (le malouf plutôt que le mezouéd, ou Hédi Jouni à la TV plutôt que Salah Farzit), relations internationales, … Se rapprocher des puissants était l’un des dogmes de la diplomatie bourguibiste, et ben-alienne d’ailleurs). Fracture culturelle.

Sous Ben Ali, la profondeur des deux fractures culmine. Les réformes libérales initiées par Nouira atteignent leur vitesse de croisière, et par la mécanique structurelle de cette doctrine, la société tend à se scinder en deux : les pauvres, et les riches, de même que les grandes entreprises ont tendance à prospérer tandis que les PME rament.
Là où le modèle bourguibien avait réussi à installer et maintenir une classe moyenne importante, le système Ben Ali a travaillé à la détruire. La fonction publique n’est plus un ascenseur social, tout au plus la garantie d’un salaire maigre mais stable, et l’économie est la chasse gardée d’une poignée de familles mafieuses. La fracture sociale s’est donc accentuée.
[...]

Cette longue citation compare les effets de la politique de H. Bourguiba et Z.A Ben Ali et dépeint un tableau noir pour ce dernier en appuyant ses dires sur des statistiques. Mais en vérité, ce que l'auteur omet d'écrire, surement de manière volontaire, c'est qu'il compare une Tunisie à peine autonome indépendante et une Tunisie ayant profité de la manne financière des nouvelles classes moyennes européennes pendant leurs congés estivaux essentiellement.

Autrement dit, une Tunisie qui a entre temps triplé en terme d'habitants mais qui a aussi vieillit...
Il est donc tout à fait normal, que si la course à la croissance économique ne suit pas l'évolution démographique du pays, les opportunités professionnelles s'amenuisent d'autant. Ben Ali n'a donc pas creusé le fossé entre les classes sociales, mais il s'agit d'une simple conséquence conjoncturelle liée à divers paramètres et en premier lieu, l'évolution démographique et le modèle économique du pays.

Les conséquences des réformes de Nouira que l'auteur cite ne sont en fait que les conséquences du capitalisme. Un capitalisme qui n'était toutefois réservé qu'à la mafia tunisienne et ses proches collaborateurs, qu'ils soient Tunisiens ou non d'ailleurs.


Je ne tente pas ici de défendre un ex-dictateur, mais la Vision d'Al dabaran a pour objet d'être juste et sait reconnaitre l'évidence quand elle est présentée sous son nez. Un dictateur ne vaut pas mieux qu'un autre, il faut savoir reconnaitre les améliorations sous son règne, mais aussi ses méfaits, même s'il n'en est pas directement la cause...

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